Georges DESCOMBES : Monsieur Laurent MARGERIE, bonjour ! Laurent MARGERIE : Bonjour. Georges DESCOMBES : Vous êtes ingénieur d’affaires au sein du groupe AVL France, dans la division Advanced Simulation Technologies. Vous êtes donc un spécialiste de la simulation numérique. Ma première question concernera l’état de l’art des outils de simulation. Laurent MARGERIE : D’accord. Alors ce qu’on peut dire, c’est que la simulation, c’est un outil qui est considéré comme mature dans le cycle de développement de l’automobile, en général. On peut dire aussi que c’est un outil qui a contribué largement, durant les 30 dernières années, à l’évolution de l’automobile et des transports, que ce soit sur la performance pure en fait de la motorisation, de la chaîne de traction, de la propulsion, sur le confort également, au niveau acoustique, au niveau vibratoire, au niveau de l’agrément de conduite et puis, bien entendu, sur tous les aspects liés à l’efficacité énergétique, donc en termes d’émission de CO2, en termes de consommation de carburant et, bien sûr, au niveau des émissions de gaz polluants ou de particules. Donc on peut dire que sans la simulation, aujourd’hui, on n’en serait pas à ce niveau de performance. Ce qu’on peut dire aussi, c’est que la simulation, c’est exploité dans tous les domaines, que ce soit pour le développement du moteur, de la chaîne de traction elle-même, du véhicule dans son ensemble, de sous-système de type hybride ou de véhicule électrique, par exemple, et ce, dès les phases de recherche et de développement. C’est un outil qui est essentiellement utilisé pour définir le système, le véhicule. On exploite l’outil simulation aussi dans toutes les industries. Cela, on en parlera peut-être un peu plus tard, et également dans le monde entier. Donc cela, c’est important. Et enfin, ce que je dirais, c’est qu’au niveau de la simulation, on distingue deux grands domaines, le domaine de la simulation 0D, 1D, D pour dimension. C’est des modèles simples, des modèles rapides qui permettent généralement une approche système c’est-à-dire une vision d’ensemble du système que l’on cherche à définir. Cela permet de définir les concepts, de prendre en compte le fonctionnement de l’ensemble des systèmes et d’améliorer les composants au sein d’un système ainsi que la loi de contrôle. Et le deuxième grand domaine qu’on peut définir pour la simulation, c’est les modèles 3D, 3 Dimensions, donc sur la dynamique des fluides ou les éléments finis qui sont des techniques qui permettent de travailler d’une manière plus centrée sur un composant donné de manière à en optimiser la géométrie par exemple, dans des objectifs divers et variés. Cela peut être la combustion pour la chambre de combustion, cela peut être la tenue d’un bloc moteur, par exemple, cela peut être l’acoustique, la performance acoustique et tout autre domaine. Georges DESCOMBES : Donc peut-être une brève question subsidiaire sur cet état de l’art, en termes de maturité et d’aide à la décision dans les actes que vous venez d’évoquer. Réponse très brève. Laurent MARGERIE : Alors c’est un outil la simulation, d’aide à la décision, au même titre que les essais. Les essais sont un autre outil qui est utilisé dans le développement des véhicules et des chaînes de traction et de motorisation. Voilà. Donc moi, je dirais, c’est un outil d’aide à la décision qui est utilisé largement et de manière mature. Georges DESCOMBES  : Merci. Question n° 2. Selon vous, quelles sont les évolutions prévisibles de la simulation et de son positionnement dans le process de developpement ? Laurent MARGERIE : Là, je dirais que la simulation et son exploitation, elle va évoluer au même titre que l’industrie finalement. L’industrie automobile, elle est concernée par un certain nombre de tendances de fond qui sont d’une part qu’on a de plus en plus de versions pour chaque véhicule qui est développé aujourd’hui. On avait des breaks depuis longtemps. Aujourd’hui, on a des monospaces, on a des crossovers, des coupés, des SUV, donc de plus en plus de versions. Egalement de plus en plus de motorisation, donc hybride, électrique, conventionnelle, des fois à gaz, etc. Des conditions réelles d’utilisation qui doivent être prises en compte lors du développement parce que, d’une part, le client le demande, et parce que, d’autre part, la règlementation aussi le demande. Donc cela rend le système plus complexe. Il y a de plus en plus de paramètres qui doivent être pris en compte dans les systèmes de contrôle en particulier. Donc tout cela est à prendre en compte dans l’évolution de l’automobile en général, mais aussi de la simulation qui doit dresser ces problèmes-là. Et l’évolution naturelle de la simulation, aujourd’hui, c’est de se positionner au sein du cycle en V de manière un petit peu différente, c’est-à-dire qu’aujourd’hui, la simulation est essentiellement exploitée dans une phase, on va dire de définition des composants et du système et, aujourd’hui et à l’avenir, de plus en plus, la simulation va être utilisée dans une phase de validation du système, donc au même titre que les moyens d’essais. C’est-à-dire que là, la simulation, dès aujourd’hui, rejoint les essais pour valider les composants des systèmes. On va devoir faire en sorte que la simulation et les essais travaillent ensemble. Voilà. On voit l’émergence d’un nouveau domaine de la simulation qui est le modèle temps réel, c’est-à-dire des modèles qui sont compatibles avec l’utilisation d’un système d’essais, avec la présence de moyens hardware sur le système d’essais. Georges DESCOMBES : Très bien Et pour conclure sur cette seconde question, une question subsidiaire avec une réponse brève. Est-ce que cela veut dire qu’on se place sur la phase remontante du cycle en V ? Laurent MARGERIE : Voilà, c’est exactement cela. C’est la phase remontante du cycle en V qui va être couverte par à la fois à la simulation et les essais. L’un ne pourra plus se passer de l’autre de manière à rendre les choses plus efficaces, plus rapides, de pouvoir intervenir plus tôt dans le cycle de développement pour mieux caractériser les composants et les valider. Georges DESCOMBES : Très bien. Question n° 3. Cela sera notre dernière question. Quelle est votre vision de l’utilisation élargie de ces outils numériques ? Par exemple, à l’ensemble des modes de transport. C'est-à-dire que je souhaiterais qu’on puisse conclure en élargissant le propos au-delà de la stricte automobile ? Laurent MARGERIE : Alors, là, effectivement, on a un peu plus parlé d’automobile. C’est le domaine le plus connu de tous et ce qu’on peut dire effectivement, c’est que dans l’automobile, c’est impossible aujourd’hui d’arriver au niveau de performance de nos véhicules sans la simulation. Mais c’est le cas aussi dans toutes les autres industries finalement du domaine du transport au moins, et à commencer, on peut parler du domaine déjà du poids lourd dans lequel la simulation est utilisée depuis aussi longtemps, on va dire que dans l’automobile, mais avec des spécificités dans le domaine du poids lourd. On a encore plus de variantes de configuration de véhicules qui n’existent que dans l’automobile. Et cela conduit à une nécessité encore plus forte d’exploiter la simulation. Par ailleurs aussi, les clients des sociétés qui vendent des poids lourds ont besoin d’avoir une meilleure compréhension, une meilleure précision de quelle va être la performance du véhicule sur leur application spécifique. Et pour ceci, les constructeurs de poids lourds proposent, lors de la vente de leur véhicule, d’exploiter des outils de simulation qui vont permettre de prédire le fonctionnement du véhicule sur une utilisation spécifique. Donc cela, c’est une caractéristique du domaine du poids lourd, c’est que la simulation intervient dans le cycle de vente du véhicule. Sur d’autres domaines, on peut parler du domaine off road, donc tout ce qui est chantier, agriculture. Là, c’est la règlementation qui a énormément évolué ces dernières années, qui a conduit à rattraper un petit peu le niveau de règlementation qu’on a dans l’automobile et qui implique que la simulation est de plus en plus utilisée et actuellement nécessaire dans ce domaine-là. Et un troisième domaine que je citerai, c’est les gros moteurs qu’on trouve dans les bateaux. Donc là, il faut imaginer des moteurs de 30 m de long, 10 m de haut. Ce sont des moteurs qui n’ont pas de prototype, c’est-à-dire que tout moteur produit est installé sur un bateau. Donc on imagine bien qu’on ne peut pas s’amuser à faire des essais sur divers prototypes avant de décider de la production. Donc tout est basé sur la simulation lors du cycle de développement. Georges DESCOMBES : Très bien. Et donc, pour conclure, peut-être est-ce qu’on pourrait esquisser quelques mots sur l’évolution du métier de simulateur ? Qu’est-ce que vous, en tant que groupe AVL, vous attendez d’un spécialiste simulateur ? Eventuellement, quelles sont les pistes que vous envisagez en termes d’employabilité dans ces métiers stratégiques ? Laurent MARGERIE : Je dirais, finalement, la simulation, c’est deux aspects. Il y a le développement des outils de simulation, donc eux on a besoin d’experts, finalement de gens qui sont spécialistes du logiciel, de l’informatique on pourrait dire, qui vont chez AVL ou chez d’autres sociétés, développer ces outils-là qui ont besoin d’une nouvelle génération aujourd’hui pour gérer les données d’une meilleure manière, pour gérer la complexité des systèmes. Et d’autre part, on a besoin de spécialistes de la physique, c’est-à-dire des gens qui sont capables d’exploiter ces outils-là de simulation chez les constructeurs, chez l’ensemble des acteurs du domaine. Et en particulier, chez AVL, on a une croissance importante. Georges DESCOMBES : Eh bien, merci Laurent. Laurent MARGERIE : Merci.