Bonjour. Je vous souhaite la bienvenue pour cette troisième semaine du MOOC « Défis énergétiques des transports ». Je suis William DAB, Professeur du CNAM. J'enseigne dans cette maison l'hygiène et la sécurité sanitaires. Par ailleurs, je dirige l'Ecole des Sciences Industrielles et des Technologies de l'Information. Ma compétence est à la fois médicale et épidémiologique. Et c'est de celle-là dont nous allons beaucoup parler, puisque cette troisième semaine va être entièrement consacrée aux enjeux sanitaires des questions de pollution atmosphérique, aussi bien à l'échelle locale qu'à l'échelle globale. Je voudrais vous donner d'emblée un message important : il ne fait aucun doute que les risques sanitaires liés aux polluants de l'atmosphère sont aujourd'hui à un niveau beaucoup plus faible que par le passé. Je vais vous en montrer les données qui permettent une telle affirmation. Je ne voudrais pas que ce propos soit non plus pris de façon négationniste. J'ai dirigé la première équipe française qui a démontré, dans les années 90, que nous n'en avions pas fini avec les effets sanitaires de la pollution atmosphérique. Ces effets sont avérés. Pour autant, ce n'est pas nécessaire d'être inutilement alarmiste, et de faire croire que ces risques sont en augmentation. Nous avons la possibilité de les maîtriser et aujourd'hui, ces risques, s'ils continuent de persister, sont à un niveau beaucoup moins important que par le passé. Pour comprendre cette relation un peu compliquée entre les polluants de l'atmosphère et la santé de l'homme, nous allons suivre un certain nombre d'étapes. Dans une première partie, il nous faut parler un petit peu de méthode. Je vais le faire pour un public non spécialisé : ce MOOC ne s'adresse pas à des chercheurs spécialisés en évaluation des risques sanitaires, je vais donc essayer d'être le plus schématique et simple possible. Nous allons commencer, grâce à un regard historique, par regarder les défis que nous pose l'évaluation des risques sur la santé de l'exposition aux polluants de l'atmosphère. Nous ferons un zoom sur les polluants d'intérêt sanitaire particulier. Nous aurons à discuter de deux démarches scientifiques fondamentalement différentes mais complémentaires : il y a les démarches d'expérimentation et les démarches d'observation. Il faut bien comprendre l'avantage et les limites des deux démarches. Et enfin, parce que l'essentiel des connaissances sur les risques sanitaires viennent d'une discipline qui est la mienne, l'épidémiologie, je vous donnerai quelques clés vous permettant de vous initier au raisonnement épidémiologique. Voilà le schéma que je vous propose pour cette première partie de cette troisième semaine. Historiquement, les effets sanitaires de la pollution atmosphérique sont des catastrophes. Je dis bien : des catastrophes. Vous avez à l'écran une courbe qui est une courbe de mortalité, le nombre total de décès journaliers. Donc quelque chose de très simple, de très brutal aussi, qui manque de finesse. Et vous voyez qu'en décembre 1952, à Londres, il y a eu un très sévère épisode de pollution atmosphérique très bien décrit, qui s'est traduit avec 2 jours de décalage, par un pic très important de surmortalité. Nous avons également des données de morbidité, de maladie, d'hospitalisation, mais les données de mortalité suffisent en elles-mêmes. C'est plusieurs milliers de décès qui surviennent en quelques jours. Il faut bien réaliser qu'à cette époque, la pollution acido-particulaire, principalement due au soufre et aux fumées noires de l'époque, se comptait en mg/m³, quand aujourd'hui, les mesures que nous avons en milieu urbain dans les villes occidentales, se comptent en µg/m³. Il y a donc trois ordres de grandeur entre ce qu'était la pollution dans les années 50 dans les villes européennes, et ce qu'elle est aujourd'hui. Il ne faut pas perdre cela de vue. La situation actuelle est radicalement différente. Nous sommes incontestablement dans un contexte de faibles doses, je vous le disais à l'instant : non plus des mg/m³ de concentration, mais des µg/m³. Par ailleurs, il faut bien réaliser que nous sommes tous obligés de respirer pour vivre, et par conséquent, nous sommes tous exposés aux polluants de l'atmosphère. Ce qui pose des problèmes méthodologiques particuliers sur lesquels je vais revenir un peu plus tard. Les dangers, c'est-à-dire les maladies, qui sont liées aux polluants de l'atmosphère, sont pour l'essentiel des maladies cardiaques et des maladies respiratoires, ce qui inclut des cancers. Bien évidemment, les polluants de l'atmosphère ne sont pas les seules causes connues pour ces maladies respiratoires, ces maladies cardiaques et ces cancers. Nous parlons de maladies plurifactorielles. C'est une notion un peu compliquée, parce qu'au pays de Pasteur, nous avons beaucoup dans la tête des schémas qui sont de type « une cause, une maladie ». On ne peut pas raisonner comme cela en matière de pollution atmosphérique, et on ne peut pas dire : « Voilà, les maladies de la pollution atmosphérique sont celles-ci ou celles-là. » Il y a un ensemble de maladies, plutôt concernant les organes du cœur et les poumons, et parmi les causes de ces maladies, il y a les polluants de l'atmosphère, mais ce n'est pas la seule. Les outils de mesure et d'analyse des risques, nous devons réaliser qu'ils manquent de sensibilité. Quand nous étions exposés dans les années 50 et même 60, à des mg/m³ de polluants, je vous ai montré que les effets étaient visibles à l'œil nu. Aujourd'hui, ils ne sont plus visibles à l'œil nu. Or les outils épidémiologiques dont nous disposons, souvent manquent de sensibilité, c'est-à-dire quoi ? C'est-à-dire qu'ils ne peuvent pas montrer et mesurer des effets qui pourtant existent dans la population. Mais ceci s'améliore, et je vous montrerai que de nouvelles méthodes épidémiologiques nous ont permis de gagner énormément en sensibilité. Une difficulté dont il faut être bien conscient, c'est que rien n'est plus variable dans le temps et dans l'espace, que les concentrations de polluants dans l'atmosphère. Cela signifie quoi ? Cela signifie que notre exposition, c'est-à-dire notre contact avec ces polluants de l'atmosphère, varie d'un lieu à l'autre, et varie d'un instant à l'autre dans la journée. Reconstituer une telle variation est un grand défi pour les chercheurs. Or, ceci est très important, parce que, sans entrer dans des détails méthodologiques trop spécialisés, il faut bien réaliser que si on fait une erreur de classification des expositions, c'est-à-dire, si j'appelle « non exposé » quelqu'un qui est exposé, ou si j'appelle « exposé » quelqu'un qui ne l'est pas, je diminue la possibilité qu'une étude épidémiologique montre un effet qui pourtant existe dans la réalité. C'est ce qui s'appelle en statistique un « problème de perte de puissance ». Tout cela explique que dans les années 80, la plupart des études épidémiologiques étaient négatives, et mon maître, Walter HOLLAND, un très grand épidémiologiste britannique, a pu écrire en 1979, que la pollution atmosphérique n'était plus un problème de santé publique. En ceci, il avait un peu tort. Le problème est certainement moins sérieux qu'il ne le fut, mais nous allons voir qu'il persiste encore aujourd'hui.